
Ensuite dans ma période MTA
Avec PSEYE et DEFUN, on a amené quelques mecs avec nous peindre des trains, notamment MODE2, KEA et ECHO. J’ai fait quelques trains avec d’autres, essentiellement des potes à moi (DETAY, KENOR, DRONE) ou à PSEYE (EXTAZ, KLINE, REST, SCAI).
Il y a aussi eu le fameux plan TRANSEUROP EXPRESS qui est paru dans INTOX. On a fait une descente à plusieurs (VICE, DEA, EXTAZ…) et on a tout marravé. Pour l’anecdote, ce train, on l’a fait à Gare du Nord…
Il y a quelques mecs que je n’ai jamais rencontrés et qui m’auraient plu : la première génération de taggueurs et un mec comme CLICK, gros défonceur un peu en dehors des sentiers battus.
As-tu peint à l’étranger entre tes débuts et 1993 ?
Oui, un peu. En Espagne, j’étais en vacances dans une station balnéaire pourrie avec une énorme digue d’au moins un kilomètre de long sur 5 mètres de haut. Un soir, je me suis lancé le pari de faire un graffe de 100 mètres de long. Et je l’ai fait : 5 lettres (ERESY) de 20 mètres chacune sur 5 mètres de haut. Tout ça devant les yeux des passants, un peu surpris, qui ne comprenaient pas ce que j’étais en train de faire. J’ai pris des photos en copiant SEEN, en m’accrochant en haut du mur. Il faut dire que le MADSEEN et le SEEN à Hollywood font partie de mes graffes préférés. Et à Londres : j’ai fait 2-3 expéditions punitives. J’avais bien dépouillé le centre-ville. J’ai peint avec HERA, ABDIK, DEFUN et SEW des graffes aux puces de Camden. Bière, tag et chicken pendant 15 jours ! Super souvenir ! Même si j’ai passé une nuit avec DEFUN dans un commissariat londonien (NDLR : HERA aussi, mais une autre nuit…).
Peux-tu nous parler des 4AD et de son histoire ?
Ça, c’est une longue histoire qui s’est étalée sur plusieurs années. Ce qui est bizarre, c’est que je me souviens très bien du début, mais moins bien des détails du reste.
Règles dans les 4AD :
- Personne ne rentre dans le groupe sans l’accord des co-fondateurs.
- Seuls des potes peuvent rentrer dans le groupe.
- On fait la fête le samedi soir, pas de dépôts.
Pour illustrer le truc, je pense qu’on est un des rares groupes où personne ne s’appelait par son tag, mais par son prénom.
DASE, OBSEK et moi étions déjà amis avant les 4AD. On avait créé un premier groupe ensemble : les DBK. Un jour, OBSEK nous a présenté HERA, un mec très cool qui tagguait depuis pas mal de temps et qui avait déjà des connexions à Paris. On s’est bien entendus et on est devenus amis.
Un soir, dans le RER B, tous les quatre, plus notre pote COROSIF, on a décidé de fonder un nouveau groupe. COROSIF ne tagguait plus, donc nous étions quatre. Et nous avons créé les 4AD.
Aujourd’hui, tout le monde dit que 4AD signifie « 4 Au départ », mais en fait, l’histoire de la création du nom est un peu différente. Nous étions tous (sauf HERA, qui n’écoutait que du rap) des amateurs de new wave / cold wave. Nos groupes favoris appartenaient à un label indépendant qui existe toujours : le label 4AD. Voilà d’où vient réellement le nom.
En plus, on trouvait ça cool d’avoir un nombre dans le nom. Ce n’était pas commun à l’époque. Ensuite, nous avons essayé de trouver des significations au nom. Comme tous les crews, nous en avions plusieurs. Ma préférée : « For All Destructions ».
Activités et premiers dépôts
Nous avons commencé à taguer un peu partout et à descendre régulièrement sur Paris. Notre trip, c’était surtout le métro et le RER, un peu moins la rue. Le but était simple : être partout. Mais atteindre cet objectif, c’est beaucoup plus compliqué.
On a commencé nos premiers dépôts sur le RER B, la ligne 6 puis la 13. Je n’oublierai jamais mon premier dépôt avec DASE et HERA. Le plan était super tranquille, mais quand tu démarres, tu ne le sais pas et je peux t’assurer qu’on a eu très peur. Enfin, nous avons quand même tout défoncé au baranne.
Très vite, NES, pote de DASE, a rejoint le groupe. Il connaissait tout le monde à l’époque et nous a fait rencontrer DRONE et FALONE. FALONE était 4AD même s’il ne le posait pas beaucoup. NES était le plus doué de nous tous. C’est avec lui et DASE que j’ai fait mes premiers dépôts de métro, dont un des premiers sur la ligne 6.

La suite des 4AD et des MTA
Nous avons continué à dépouiller le métro et les rues. On faisait les entrepôts en groupe et on « tournait » pour faire les intérieurs en général à deux ou trois, pas plus. J’ai aussi énormément tagué seul dans le métro et dans la rue, c’est plus discret.
Sans égaler les VEP, DEGRÉ ou DUEL, je crois honnêtement que j’étais dans les plus gros cartonneurs de métro de l’époque. J’ai éclaté toutes les lignes avec des préférences pour mes lignes du sud : 13, 6, 12, 10, 4, 7 et B.
Plus tard, j’ai intégré de nouveaux membres dans le groupe : AZYLE, ABDIK, HAVOC, ERY2, ERAZ, puis des amis qui n’étaient pas forcément des cartonneurs, mais mes potes : KENOR, DAES, ODYSE, COKE et DETAY. Le dernier qui nous a rejoints est LYRISM, un pote d’OBSEK, très certainement le plus fort d’entre nous en perso. Je me souviens quand j’ai montré son travail à MODE2, même lui était impressionné. LYRISM venait d’une école de dessin réputée et a ensuite fait partie de l’aventure MTA.
C’était la période faste des 4AD : surtout des taggueurs, mais avec quelques graffes sur voies de train. Le top du délire, c’était d’éclater une première à la fat cap. Ensuite, durant Paris Tonkar, seuls DEFUN, ERY2 et moi étions très actifs. Puis via ERAZ, j’ai rencontré PSEYE et là ce fut le début des MTA.

Mes groupes
Les vrais groupes : DBK, puis 4AD, MTA, DSE (PSEYE m’a fait rentrer dans DSE, c’est le seul groupe dont je n’ai pas été fondateur).
Les groupes pour le délire :
- Les Copains du Pub : un groupe uniquement de copains.
- Truc De Ouf : un groupe fantôme uniquement pour délire, avec notamment AZYLE.
- Transports Urbains Exterminés : extension 4AD qui n’a pas marché.
- KAT : autre extension des 4AD.
- TRM : groupe new-yorkais rencontré grâce à DRONE.
As-tu connu des problèmes avec la justice, la police, la RATP ou la SNCF ?
Oui, avec tous… mais sans risque, où serait le plaisir ? Et puis c’est après un serrage qu’on voit si tu es motivé pour continuer. Sérieusement, tous les gros se font serrer. Mais comme tout le monde, je n’aime pas parler de ces trucs-là.
Le dernier serrage a fait suite à une enquête de plusieurs mois de la police des rails. Ils avaient des photos incroyables que j’aurais bien aimé avoir dans mon book. Ce serrage fut terrible, surtout pour PSEYE qui a fini en préventive. À sa place, même 20 ans après, j’aurais la haine. En tout, j’ai eu trois condamnations :
- Une pour tag dans la rue.
- Une amende de la RATP pour le dépôt de la 7.
- La dernière pour une quarantaine de trains.
On a pris très cher sur le dernier procès : 10 mois avec sursis pour moi et de gros dommages et intérêts à la SNCF pour tous. Je n’ai jamais payé. En 1997, j’ai eu du bol : j’ai réussi à négocier une suppression de ces dommages et intérêts auprès de la SNCF. J’ai eu quelques interpellations supplémentaires où j’ai été relâché faute de preuve.
Composition des 4AD
Voici ceux qui ont fait partie des 4AD à un moment ou un autre :
ERESY, DASE, OBSEK, HERA, COKUN, DEFUN, NES, DRONE, ABDIK, AZYLE, ERAZ, HAVOC, ERY2, FALONE, DAES, ODYCE, COKE, LYRISM, DETAY, KENOR.
Les plus connus : DEFUN, AZYLE, ERY2 et moi, mais on était nombreux avec chacun sa spécialité : fêtards, tagueurs et bons graffeurs (DRONE, ERAZ, LYRISM).
Ce groupe n’existe plus aujourd’hui. Sur la fin, j’utilisais autant 4AD que mon nouveau groupe : MTA, composé de DISNEY (PSEYE), moi, DEFUN et LYRISM.
Mais les 4AD resteront toujours à part car j’en suis le co-fondateur et parce que c’est moi qui ai fait connaître le groupe.

Expositions
Non, je n’ai jamais exposé en galerie. J’ai dû faire 3-4 peintures sur des affiches de la RATP dans ma vie. Ce n’est pas mon truc. Je ne suis pas un artiste.
Ça ne me gêne pas que d’autres exposent. Chacun son truc, et il faut bien vivre…
Certains sont de vrais peintres (Futura, Seen, en France Jon, Lokiss, Popay) ou des dessinateurs formidables (Mode2, Numéro 6…). Je n’ai pas 5 % de leur talent. Je ne suis pas de ceux qui disent : « le graffiti, c’est ceci ou cela, peindre dans un terrain ce n’est pas du graffiti, faire des toiles c’est nul… »
Je trouve ça sectaire. Chacun prend son plaisir où il veut. Moi, je préfère les trains. J’aime mieux un graffe pourri ou un beau throw-up sur un métro qu’une fresque de 10 mètres de long. En revanche, je déteste les graffeurs de terrain qui critiquent les graffeurs « vandales » sur la qualité de ce qu’ils produisent. Peindre en 15-20 minutes, max 1 heure, dans le noir, le bruit, sans recul, le stress du dépôt… c’est dix fois plus difficile que de peindre tranquillement un dimanche après-midi avec une bière.
Pour moi, le graffiti, c’est avant tout :
- Le plaisir
- L’adrénaline
- La création d’une identité parallèle
Je fais partie d’une génération qui a marqué Paris et sa banlieue : les trains, les tags, les throw-ups, les premiers whole cars. Ce n’est pas une question de reconnaissance financière ou artistique, mais de passion et de sensation.
Je respecte profondément ceux qui continuent à peindre, que ce soit sur trains, métros, murs légaux ou terrains. Chacun trouve son plaisir à sa manière. Moi, ma place a toujours été dans les dépôts, dans le stress, avec les copains, à créer des pièces que personne d’autre n’aurait osé réaliser.
C’est ça, l’essence du graffiti pour ERESY.
